Fabrice : Par le biais d’un polar noir, mon envie était de fouiller le thème de la monstruosité selon deux positions. On a d’abord à faire à une monstruosité physique, sociale même. La rencontre du narrateur avec Baratier, personnage difforme, défiguré et marginal, est aussi saisissante que marquée par l’absolue subjectivité de celui qui regarde et qui se forge aussitôt un jugement à l’aune seul d’un sentiment puissant de dégoût et de frayeur. Mais il est aussi question d’une autre forme de monstruosité, calculatrice, mauvaise et agissante,  dont j’ai voulu décortiquer les ressorts et les mobiles de manière à susciter l’effroi en un écho plus intense encore que le stimulus révulsif originel.

Les Éditions Inspire : Pourquoi avoir situé le temps du récit à l’époque où la peine de mort était encore légale en France ?

Fabrice : Dès le début de la nouvelle, c’est une manière de lester l’ambiance, de donner le ton. Cette guillotine dressée au milieu de la place, instrument de mise à mort, c’est le premier monstre. L’implacable réalité d’un châtiment glaçant.

J’aime aussi m’offrir la liberté d’ancrer mes histoires à des époques différentes, de la même façon que j’aime faire voyager mes personnages. C’était aussi l’occasion de poser un premier jalon à Lyvette-sur-Chambron, un village qui n’existe pas en réalité, mais qui, outre cette nouvelle, est programmé pour être le théâtre de deux autres projets de fiction courte, situé chacun à d’autres périodes du XX^e siècle. 

Les Éditions Inspire : L’assassin parmi nous aborde le thème de la peur que l’on peut avoir de l’Autre, de celui qui est différent de nous ; en quoi était-ce important pour vous d’écrire sur ce sujet ?

Fabrice : Ample sujet de dissertation. C’est un thème universel, intemporel, plus que jamais et sinistrement d’actualité sous d’innombrables formes, dont il serait vain de dresser une liste. Tout se joue là. Les guerres sont fabriquées avec ça. De nos jours, c’est une peur toujours très grossièrement instrumentalisée, mais vous trouverez toujours une personne sur deux pour tomber dans le panneau. En des temps troublés, le principe de bouc émissaire a toujours très bien fonctionné.

On n’est jamais l’autre, de toute façon. On ne peut s’y superposer. On peut vouloir le rejoindre, l’écouter, le découvrir, l’aimer ou pas, la réalité reste qu’on est tous unique, il existe autant de mondes que de regards posés sur le monde. On est soi, c’est déjà beaucoup de chemin à faire, que beaucoup n’entreprennent jamais, ce qui les rend d’autant plus inaptes à la moindre ouverture d’esprit. L’humilité et la curiosité saine se font rares alors même que, à mon sens, la rencontre et le métissage sont les vrais trésors de l’humanité.